Conférence de Michel Krempper à Sélestat

MICHEL KREMPPER, HISTORIEN DE L’AUTONOMISME ALSACIEN, A PARLÉ DE JOSEPH ROSSÉ À SÉLESTAT LE JEUDI 16 MARS 2017 :

Gérard Simler avec Michel Krempper à l’issue de la conférence. Möge Joseph Rossé uns im Geiste begleiten!

« Il est temps que les Alsaciens se réapproprient une part de leur histoire », s’est exclamé Gabriel Braeuner, président des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, en introduction de la conférence donnée par Michel Krempper, jeudi dernier à 18h30, au Centre Évasion à Sélestat. Ces mots, prononcés sans positionnement partisan, expriment le souhait de tous les historiens de l’Alsace de voir leur passion largement partagée. En l’occurrence, ils saluent l’ouvrage que Michel Krempper est venu présenter : Joseph Rossé 1892-1951. Alsacien interdit de Mémoire (Éditions Yoran, 2016).

« Pourquoi s’intéresser à Joseph Rossé en 2017 ? » La réponse de l’auteur est imparable : parce que Joseph Rossé a été la principale figure du personnel politique alsacien dans l’entre-deux-guerres et qu’il est aujourd’hui tombé dans l’oubli, un « oubli organisé ». Comme tout historien, Michel Krempper se situe sur le terrain de l’objectivité, celui des faits. « Principale figure », l’auteur le démontre rapidement par un déroulement de son curriculum vitae : jeune syndicaliste enseignant après 1918, il tirera de cette activité une popularité remarquable ; élu trois fois député ; patron du puissant groupe de presse Alsatia à partir de 1932. « Oubli organisé » après une période, celle de l’épuration d’après la Seconde Guerre mondiale, où il fut victime, comme tous ceux qui s’étaient prononcés pour l’autonomisme avant le conflit, de campagnes de presse hystériques menées notamment par les communistes, soucieux d’effacer le souvenir du pacte de 1939 entre Staline et Hitler.

Et entre les deux ? Entre le héros/héraut d’une vaste partie de l’opinion alsacienne pendant l’entre-deux-guerres et la victime d’une « justice politique » (dixit le Général De Gaulle), qui le condamne, en 1947, à 15 années de travaux forcés, la confiscation de ses biens et l’indignité nationale à vie ? Il y a l’annexion de fait de l’Alsace par l’Allemagne nazie et l’activité d’un Joseph Rossé… résistant. Michel Krempper a consacré une longue partie de sa conférence à cet aspect méconnu – et pour cause ! – du personnage. Joseph Rossé, le catholique, père adoptif d’un fils handicapé, ne pouvait que combattre l’antichristianisme et l’eugénisme du régime nazi, et il l’a fait activement : 1) par les publications de sa maison d’édition Alsatia, comme l’a reconnu Mgr. Clemenz August von Gallen, grande figure de l’antinazisme catholique en Allemagne ; 2) en cachant des religieuses et des juifs dans ladite maison d’édition ; 3) en participant, comme un des membres dirigeants du Kolmarer Kreis, au vaste complot de l’opération Walkyrie, qui a abouti à l’attentat raté de Stauffenberg contre Hitler en 1944, participation attestée par le préfet Paira, pourtant grand pourfendeur d’autonomistes.

Car Michel Krempper est un historien sérieux, qui, comme tel, cite ses sources. Connaissant parfaitement la bibliographie existante, notamment la thèse monumentale du Professeur Christian Baechler (Le parti catholique alsacien 1890-1939), qui couvre le début de l’activité de Joseph Rossé, Michel Krempper a exploité des sources inédites ou « quasi-inédites », notamment les fonds de la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg, grâce à une autorisation exceptionnelle, et les fonds privés de la famille Rossé.

La conclusion de la conférence rappelle le prix d’une existence engagée : Joseph Rossé a connu 11 prisons et 2450 jours d’enfermement : en 1928, en 1939/40 et, surtout, après la Seconde Guerre mondiale. Cette dernière réclusion lui coûtera la vie, puisqu’il décède par manque de soins le 24 octobre 1951 au bagne d’Eysses (Lot-et-Garonne).

Que Joseph Rossé trouve une place de premier plan dans l’historiographie de l’Alsace contemporaine, c’est ce que réclame l’objectivité historique. Mais il est évident que l’étude de Joseph Rossé a été mue, chez Joseph Krempper, par une profonde sympathie pour ce personnage attachant, qui a voué sa vie au service des Alsaciens. Cette sympathie, Michel Krempper n’est pas le seul à l’éprouver. Il a réuni autour de lui des gens de tous horizons dans un Cercle Joseph Rossé, qui a pour objectif de réhabiliter Joseph Rossé et de faire vivre sa mémoire pour les jeunes générations, afin qu’il leur serve de repère moral. Il en a largement l’étoffe ! Mais la sympathie pour Joseph Rossé commence à diffuser plus largement. C’est elle qui a attiré à la conférence de Michel Krempper un certain nombre de membres de la Section locale d’UNSER LAND, emmenés par Gérard Simler, candidat d’UNSER LAND pour les élections législatives de 2017. Nous avons non seulement éprouvé le plaisir de nous laisser emporter dans un passionnant voyage à une époque où battait si fort le cœur de l’Alsace, mais nous avons aussi eu l’honneur et la joie de pouvoir échanger – trop brièvement à notre goût – avec un grand historien : Merci vielmols Monsieur Krempper!

Eric ETTWILLER

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